Contes

Le nouveau Sapiens d’Amérique

Il était une fois un minuscule personnage qui vivait dans un boisé dans l’Est d’un très beau pays qu’on appelait le Canada. Dans cette forêt à la superficie quoique modeste, vivaient tout de même près de vingt-cinq espèces d’arbres différentes. Des bouleaux jaunes, des sapins baumier, de gigantesques merisiers centenaires, des hêtres, des épinettes noires, trois saules pleureurs, des pins blancs et une colonie d’environ cinq- cents érables à sucre pour n’en nommer que quelques-unes.

Ce très petit personnage s’appelait Simon Timbit. Depuis peu, il était l’héritier de l’herbier de la famille. Ce leg lui avait été octroyé par dépit, même s’il possédait de nombreuses connaissances et qu’il avait su démontrer au fil des années un grand savoir-faire. En effet, les secrets de cet herbier sacré se transmettaient de mère en fille depuis des siècles. Cependant, sa mère, la grande fée Aubépine, n’avait pour descendance qu’un fils. De plus, il était plus que minuscule. Alors, les hautes instances du boisé, comprenant l’illustre conseil des hiboux philosophes, ont accepté de le nommer gardien de l’herbier, malgré sa condition de mâle et sa petitesse.

– Il faut bien être de son temps, se dirent-ils.

La quête quotidienne de Simon Timbit l’herboriste était d’observer le boisé en chaque saison. Il devait cueillir les plus beaux, les plus inusités et les plus rares spécimens de la forêt. Ensuite, il effectuait des recherches pour les identifier. Il les faisait sécher et puis il les déposait dans ce livre ancien bien précieux. Évidemment, la partie ultime de sa mission était de semer à tous vents ses enseignements savants. Il ne se doutait pas que sa première cohorte d’élèves lui en ferait voir de toutes les couleurs.

En ce jour de septembre de l’an 2017, il partit donc dans la forêt Laurentienne avec son panier, ses sécateurs et un fruit mûr bien juteux pour sa collation. Le silence habituel du boisé avait fait place à un tumulte épouvantable. C’était toujours comme cela après les vacances estivales, mais il lui semblait que cette année, des gémissements se mêlaient aux rires et à l’effervescence générale de la rentrée. Il s’enfonça donc un peu plus dans le sentier et fut témoin d’une scène désolante dans la clairière. Un délicat bouleau rouge, seul représentant de son espèce recevait moult injures de ses pairs feuillus et conifères.

Non pas des gifles avec leurs feuilles, ou des coups de poing avec leurs branches, ou des poussées avec leurs troncs ou même des crachats avec leurs fruits. Non, pire que tout cela ensemble. Il recevait des propos dévalorisants. Des insultes blessantes s’incrustaient insidieusement dans son duramen que les humains appellent le cœur. Elles s’imprimaient aussi dans son aubier que l’on nomme l’âme chez les cohortes humaines. Les arbres et arbustes de la forêt gravaient, comme s’ils avaient des petits canifs bien affûtés, des mots méchants et tranchants sur la fine écorce de bouleau rouge. Inconscients de tout le mal qu’ils lui faisaient, ils rigolaient et semblaient beaucoup s’amuser.

Bouleau rouge devint encore plus rouge : rouge de peur, rouge de colère, rouge d’humiliation et rouge d’un immense sentiment d’impuissance. Toutes ces émotions bien légitimes semblaient le rendre confus et le paralyser. Il subissait. Il subissait. Il subissait et à voir comment il était courbé, cela ne devait pas être la première fois qu’il était victime de ce traitement si cruel.

Simon Timbit, n’écoutant que son cœur et son sens de la justice, s’élança au secours de bouleau rouge et cria de toute sa hauteur :

  • ASSEZ!!!!!!!!!!!!!!!

Pendant quelques secondes, la forêt se figea. Nous n’entendions que le doux chant des mésanges à tête noire.

  • De quel droit traitez-vous ce pauvre bouleau ainsi ? demanda Simon Timbit.

Personne ne répondait au minuscule professeur qui, malgré sa petitesse, avait beaucoup d’autorité. Effectivement, étant donné qu’il s’en servait peu, il en avait beaucoup lorsqu’il l’utilisait.

  • Excusez-nous monsieur, clamèrent les élèves. C’est pour rire que nous taquinions bouleau rouge.
  • Pour rire ? Mais ne voyez-vous donc pas qu’il tremble de toutes ses feuilles ? Vous le terrorisez et vous l’intimidez! Simon Timbit était outré. C’est inacceptable de s’attaquer ainsi à quelqu’un. Pourquoi faites-vous cela ? Parce ce qu’il est plus petit que vous? Parce ce qu’il est seul? Parce ce qu’il est différent ? Parce que vous pensez qu’en écrasant l’autre, la cime de vos feuilles sera plus proche du soleil ? Que vous brillerez de mille feux ? Au contraire, pauvres malheureux, vous vous abaissez au niveau du pergélisol.

Le petit professeur de sciences naturelles laissa le silence s’installer quelques minutes, car les sourds murmures parlent plus fort que la foudre. Puis, il conclut solennellement de cette façon :

  • Vos excuses devraient s’adresser à bouleau rouge et non à moi. Vous allez devoir trouvez une manière de vivre ensemble. Si ce n’est dans l’harmonie, du moins dans l’acceptation et le respect de l’autre.

Simon Timbit reprit calmement son chemin, non sans s’être assuré au préalable que bouleau rouge serait en sécurité et protégé par les hiboux philosophes. Il avisa la classe verte de vingt-cinq espèces de moribonds qui avaient bon duramen malgré tout, qu’il repasserait dans quelques lunes pour faire la lumière sur cet incident bien sombre. Il exigera que réparation soit faite.

Trois cycles de lunes passèrent et le groupe était de nouveau réunit dans la forêt.

Avant même que Simon Timbit ne prenne la parole, des excuses fusaient de toutes parts. Elles étaient d’ailleurs amplifiées par les longues réflexions, les regrets, par la honte et bien sûr par l’écho.

  • Désolé bouleau, dit sincèrement le noisetier. Prends mes plus belles noisettes pour me faire pardonner.
  • Je m’excuse bouleau rouge, dit l’érable à son tour.  Voici mes feuilles d’érables les plus rouges. Cela sera joli sur toi.

Bouleau rouge rougissait de soulagement et de bien-être. Simon Timbit assistait à cette scène, ému. Il eut une idée lumineuse comme les enseignants sages en ont souvent.

  • Pourquoi ne pas utiliser un élément de chacun de vous et ainsi créer ensemble un symbole de paix, de responsabilité citoyenne, d’accueil et de liberté?
  • Oui, monsieur! répondirent, en cœur les vingt-cinq élèves, enthousiastes devant le projet.

Simon Timbit ouvrit bien grand l’herbier ancien qui était remplit de secrets et de sagesse.

Il prit la plus grande feuille, la lissa et l’étendit dans la clairière sur un paillasson de mousse gelée.

  • Voilà. Maintenant, que chacun me remette un petit bout de ce qu’il est.

Un érable de Pennsylvanie lui remit un bout de ses racines.

Un chêne, un gland vert tendre.

Un bouleau blanc, son écorce frisée.

Un merisier, une partie de sa souche.

Un hêtre, une poignée de faînes.

Un vinaigrier, un de ces cônes.

Un thuya, un petit sac contenant son odeur enveloppante.

Une épinette blanche, une boule de gomme.

Un peuplier faux-tremble, quelques feuilles follettes.

Un cerisier d’automne, un bol de ses fruits vermeil.

Bouleau rouge remit aussi une petite partie de ce qui le caractérisait. Tous, sans exception, se mobilisèrent avec empressement pour mettre leur grain de sel dans cet ambitieux travail collectif.

Simon Timbit disposa habilement tous les éléments sur le papier gommé. Tout d’abord, il porta une attention particulière aux racines. Il s’assura qu’elles étaient bien ancrées solidement sous ce tronc commun afin de maintenir en place l’héritage, le patrimoine ancestral de cette belle forêt. Puis, chacun, y alla de suggestions plus créatives les unes que les autres. Tous étaient heureux et c’est branches par-dessus branches qu’ils célébraient avec leur petit professeur la naissance d’une nouvelle espèce d’arbre qu’ils baptisèrent de façon consensuelle le Nouveau Sapiens d’Amérique.

Le vent de la forêt manifesta sa présence. Il transportait avec lui une horde de joyeux flocons de neige qui fredonnaient une mélodie amicale et solidaire. Ils soulevèrent délicatement les fruits de cet arbre unique et les disséminèrent sur le berceau de la terre afin qu’il se multiplie à l’infini.

 

Brigitte Meloche Auteure et Animatrice

L’Atelier d’Esther, là où l’écriture créative est au service du mieux-être.

Atelierdesther.com


LUMINEUSE FÉE!

Ding Dong! La fée endimanchée, la grosse femme d’à côté, ouvre son portail rouge et les réjouissances ornées de tendresse se parlent.  Tout à coup, c’est l’ascension de la fée Momo vers l’étoile guidant les cadeaux.  Elle vole à la rencontre des rennes mais aussi étourdissant que cela puisse paraître, rencontre fortuite, des pingouins souriants aux chapeaux hautes formes rouges. Momo les salue dans cette froideur, c’est drôle, avec des glaçons au nez elle rit et leur joue de l’accordéon, tout un défi.  C’est la quête du bonheur de Noël dans toute son immensité.  Momo a de nouveaux amis, éblouie, elle réalise que les plus beaux cadeaux n’appartiennent pas juste au Père Noël.  Toutes les rencontres habillées de joies, elle les danse autant au-dedans qu’en dehors.  Merveilleuse Momo, les cadeaux de la vie glissent, elle sait les attraper.

Joyeux Noël Momo!

Denise Leclerc


Le Noël de Grisette

 

Il était une fois, une petite chatte grise et blanche nommée Grisette. Elle vivait dans une maison remplie de bonheur et d’enfants. Pourtant, elle était malheureuse. Pourquoi? Parce que Maîtresse ne comprenait pas tous les signaux qu’elle lui envoyait depuis fort longtemps et qui exprimaient son grand désir d’aller jouer dehors elle aussi, comme les enfants. Grisette prenait position sur le rebord de la fenêtre et enviait la liberté des autres chats qui allaient ici et là selon leur humeur. Elle trouvait son plaisir à jouer avec la balle de laine servant à tricoter tuques, foulards et mitaines en prévision de l’hiver qui approchait à grands pas. Parfois, Maîtresse la repoussait assez rudement, car souvent la laine s’emmêlait et ceci retardait l’avancement de son travail.

Un jour, Grisette, toujours à son poste de guet, remarqua que le sol se couvrait d’un tapis de ouate, d’une blancheur où se reflétait les rayons bleutés de la lune. Les chats vagabonds avaient disparu, préférant la chaleur des maisonnées. Le jour, les passants marchaient plus rapidement pour se réchauffer.

Les maisons, elles, se paraient de jolies lumières multicolores, les sapins prenaient vie, le soir venu, brillants de mille feux. Grisette appréciait ce spectacle.

Un soir, en regardant le ciel, Grisette a vu une étoile très lumineuse différente des autres, elle semblait glisser dans le firmament comme les enfants avec leurs traîneaux. La chatte alors a fait un vœu : « J’aimerais aller me rouler sur ce tapis, il me semble que je m’y plairais et que, peut-être, je deviendrais toute blanche. »

Noël arriva, le pied du sapin débordait de cadeaux pour les enfants. Chacun ouvrit son cadeau et, surprise, il y en avait un pour Grisette. Eh oui! Maîtresse lui avait confectionné un beau manteau, une tuque à deux trous pour faire passer ses oreilles et des bas pour protéger les coussinets sous ses pattes.

Grisette n’en revenait tout simplement pas, son vœu était exaucé, Maîtresse lui accordait la permission de sortir, d’aller vagabonder.

« J’ai toujours su que tu étais différente des autres chats. J’ai cru m’apercevoir que pour toi, l’hiver c’est attrayant, donc je t’autorise à sortir jouer dans la neige, mais à une seule condition : bien emmitouflée, car je ne veux pas que tu prennes froid, je t’aime trop », dit Maîtresse.

Depuis, chaque hiver, Grisette parcourt tous les recoins du quartier et, le matin venu, rentre à la maison, se couche en rond près de la bavette du poêle à bois qui ronronne de chaleur et elle rayonne de bonheur.

Lucie Tremblay


Les cardinaux

C’était une nuit de Noël où l’intensité du froid était telle que le grand orgue de l’église Saint-François d’Assise avait gelé. Impossible d’en tirer quelque son que ce fût. « Des froids aussi mordants, aussi incisifs, on n’en voyait qu’une fois par quatre siècles », avait affirmé avec autorité Romuald, l’archiviste du village. Et il s’y connaissait Romuald en archives météorologiques, étant le descendant d’une longue lignée d’hommes et de femmes ayant exercé cette profession avec brio et lui ayant transmis leur savoir.

Affolé, Médéric, le bedeau, s’empressa de prévenir le curé. « Monsieur le Curé, le ciel nous est tombé sur la tête. Une catastrophe nous frappe de plein fouet! L’orgue est complètement gelé, les pédales sont coincées, les notes, figées. Impossible d’avoir de la musique à la messe de minuit! Et vous le savez comme moi, monsieur le Curé, que sans musique, les revenus de la quête seront en chute libre. En effet, de nos jours, les fidèles sont exigeants. Ils ne voudront certainement pas payer le gros prix pour un spectacle de second d’ordre, même si vous accordez des indulgences. »

Le curé était fort embêté. De toute évidence, sa foi était ébranlée. Les événements dépassaient amplement ses croyances. Il avait beau avoir la foi, l’espérance et la charité de son côté, il ne savait trop que faire.

Malheureusement, à l’époque, les comités consultatifs n’ayant pas encore été inventés, il n’avait d’autres recours que de chercher lui-même une solution. Il réfléchit. Si les anges et les archanges avaient été disponibles, ses problèmes auraient été résolus, car ces célestes créatures, grâce à leurs trompettes et à leurs voix mélodieuses, auraient su donner un concert divin. Cependant, en cette nuit de Noël, ils étaient tous allés fêter à Bethléem et ne reviendraient que pour le Jour de l’An. De toute façon, compte tenu de l’urgence de la situation, ils auraient probablement chargé le double du prix courant pour leur concert, ce qui était nettement au-dessus des moyens de la paroisse.

S’il s’était agi d’une messe ordinaire, d’une bonne vieille messe du dimanche, le curé aurait pu faire appel aux joueurs de cuillères, aux tappeux de pieds, aux violoneux et aux accordéonistes. Toutefois, cette musique était beaucoup trop profane pour convenir à une cérémonie liturgique aussi prestigieuse et sacrée que la messe de minuit.

L’heure était grave. Très grave. Le curé comprit qu’il lui fallait employer les grands moyens et recourir, sans tarder, à une intervention surnaturelle. Il s’adressa donc en haut lieu au bon saint François d’Assise, patron de la paroisse.

Homme de devoir, conscient de ses responsabilités, François délaissa momentanément ses mangeoires à oiseaux, qu’il était en train de remplir de graines de tournesol. Il prêta une oreille attentive et compatissante au curé. Cependant, même les saints ont leurs limites et, à vrai dire, la musique n’était pas sa spécialité. Désireux tout de même d’aider le malheureux curé, il alla consulter sa collègue et amie, sainte Cécile, patronne des musiciens et des musiciennes. La sainte préconisa la patience. En effet, selon elle, le Seigneur éprouvait le curé pour qu’il mette en pratique cette grande vertu et aussi l’humilité, en acceptant une messe de minuit moins spectaculaire que celle qu’il espérait. L’orgue dégèlerait quand la volonté divine accorderait un temps plus clément aux humains. Il fallait donc prier et porter sa croix, ce qui ne réglait pas les problèmes du curé.

Cependant, la miséricorde divine est infinie et l’Esprit Saint inspira sainte Cécile. En regardant François, elle eut une brillante idée en se souvenant qu’on le représentait souvent entouré d’oiseaux, sur les images saintes. Elle lui dit : « François, tu jouis d’un grand crédit auprès de la gent ailée. Pourquoi ne rassemblerais-tu pas un chœur de cardinaux? Leur splendide plumage écarlate est tout à fait dans le ton de Noël et leur gracieux ramage accompagnera merveilleusement bien les cantiques traditionnels. De plus, le caractère sacré de la messe de minuit sera préservé. En effet, quoi de mieux que des cardinaux pour ajouter panache et prestige à n’importe quelle célébration liturgique? »

François trouva l’idée géniale, rendit grâce au Seigneur et s’empressa de donner suite à la suggestion de sainte Cécile. Les cardinaux se perchèrent au jubé. Leur chant mélodieux émut jusqu’aux larmes les paroissiens. La quête fut plus que fructueuse, la ferveur décupla. C’est la raison pour laquelle, à tous les Noël subséquents, les cardinaux participèrent à la cérémonie et que l’on renomma le bâtiment religieux église de Saint-François d’Assise et de Sainte-Cécile.

Louise LeBlanc

 


L’anti-conte de Noël

Comme chaque matin de décembre, la radio cracha à volume réduit son lot des mauvaises nouvelles, suivi d’une autre publicité insipide.

« Aujourd’hui et aujourd’hui seulement.

 30% de rabais sur tous vos achats chez Baro et Lapinos ».

Hugo ferma la radio.

Il se leva pour faire face au miroir de la salle de bain.

Il se regarda de la tête aux pieds. Son visage émacié, défiguré par une nuit agitée.

La radio, qu’il croyait avoir éteint, redémarra une autre publicité de Baro et Lapinos. Il se sentait envahi par tout le tintamarre marketing du temps des Fêtes. Il débrancha la radio.

Quatre semaines à entendre inlassablement les mêmes trente chansons de Noël qui jouent en boucle à la radio. Moins pire que la télévision ou chaque émission est un rappel de l’existence du père Noël et où l’on vous passe tous les films de Noël créés depuis le début du cinéma muet.

Dans le but avoué de ressembler la masse dans une grande messe à la gloire de l’amour universel et du commerce enfin profitable. Une débauche de dépenses pour des gadgets inutiles. Comme-ci après avoir été utilisé sagement pendant trop de mois, soudainement plus rien ne résiste à cette carte de crédit devenue frénétique et compulsive.

Pour sa part, Hugo avait beau écouter les chants de Noël, voir les cadeaux sous le sapin, les enfants frétillés d’impatience. Rien dans son corps ou dans son cœur ne vibrait.

C’est comme s’il était seul au milieu d’une cacophonie de couleurs, d’odeurs, de sons et de lumières.

En lui s’écoulait une chanson triste, il la connaissait, mais n’arrivait pas à se souvenir des paroles. Cela parlait d’espoir lointain.

Cette musique était syntonisée avec ce sentiment d’être légèrement perdu, qu’il ressentait pendant cette période de l’année. L’impression d’être seul même si on mange en trois jours avec quatre familles, dans six endroits différents.

Pour lui, Noël était une période de nostalgie. Une désespérance d’un futur meilleur. Il s’ennuyait d’un Noël où tous, grands et petits, pourraient vraiment être heureux, en paix, en sécurité.

Un Noël où l’oncle Roger ne vomirait pas dans la brassière trop sexy de tante Gisèle et où les enfants n’auraient pas besoin de X Box pour être lumineux.

Il s’ennuyait surtout de cet unique moment du 24 au 25 décembre. Ce bref petit instant de paix sur la Terre. Où tout devient doux et silencieux grâce à la neige. Où même les voisins grincheux, l’espace de 24 heures, aident leurs voisins à débourber leur voiture enlisée dans un banc de neige.

Où tous goûtent sans le savoir à une petite tranche de bonheur.

Ce bref instant de l’année, Hugo voudrait le faire durer mille ans. Il soupira.

Sa musique intérieure résonna plus fort quand il entendit, à la radio deux couplets de: Quand les hommes vivront d’amour. Ils le sortirent de sa torpeur.

Son sourire triste devint radieux et illumina son visage aux paroles de Raymond Lévesque, qui le berça de sa voix unique.

Nous qui auront aux mauvais jours

Dans la haine et puis dans la guerre

Cherché la paix, cherché l’amour

Qu’ils connaîtront alors mon frère.

Oui, un jour peut-être ce sera vraiment Noël sur la Terre.

Mais nous, nous serons morts mon frère!

Stéphane Bélanger


Fridolin et le sage Nathan 

Par un matin frileux et enneigé, tatie Lali tentant d’éveiller le coquin de décembre, fît apparaitre chez elle Fridolin, lutin espiègle et malicieux.

Au retour de l’école, Nathan, 5 ans, trouve Fridolin assis au milieu d’un amas gargantuesque de papiers mouchoirs roulés en boules, simulation d’une bataille de boules de neige digne des plus grands chevaliers d’hiver.

À la grande surprise de tatie Lali, le sage Nathan n’est pas du tout ravi de découvrir le lutin malpoli. Il semble plutôt complètement choqué par tant de désobéissance. Fridolin a beau user d’une plus grande imagination chaque jour à façonner des espiègleries multiples, rien ne semble impressionner le bambin. Fridolin, plutôt découragé de voir que ses coquineries malicieuses n’ont pas du tout l’effet escompté, se dit : « Peut-être devrais-je songé à m’assagir? »

Pendant de temps, Nathan est lui-même plongé au cœur de grandes réflexions. Comment pourrait-il débarrasser sa tatie de ce lutin malin indésirable? Pour lui, il est tout à fait invraisemblable que sa précieuse amie soit aux prises avec un si piètre visiteur.

Le lendemain, après réflexion, Fridolin décide de faire une dernière tentative maligne. Il y met le paquet! Il renverse au salon une demie boite de croquants d’avoine, prenant bien soin de semer derrière lui quelques petits ronds. Il se dit : « Si Nathan n’est pas conquis par cette espièglerie, j’abdique et m’assagit. »

En ouvrant la porte de la demeure, Nathan découvre le méfait. Il suit la trace compromettante et aperçoit Fridolin assis confortablement, immobile, bien sûr, sur le manteau de l’âtre. Il est outré! Tant de désobéissance semble le dérouter complètement. Furieux, il affuble l’odieux visiteur du plus majestueux sermon jamais octroyé par un bambin préscolaire! Sermon qu’il termine dans une grande éloquence : « Là Fridolin, je t’interdis de bouger tu as compris? Je suis un très grand magicien alors Abracaba Abracadaba tu es sage et gentil maintenant jusqu’à Noël! » Il se tourne vers tatie et lui dit, fier de lui, « Voilà, tu es bien débarrassée! »

À la grande joie de tatie, depuis ce jour Fridolin est devenu, grâce à Nathan, le plus sage des lutins malins.

 

Kym Brenan

 


Tout semblait différent.

Il était une fois, un couple de bonhommes de neige qui s’aimaient tendrement. Ils habitaient juste à côté de la jolie petite maison aux volets verts.  Enlacés, couverts de leur plus beau chapeau, Blanche et Blanco regardaient ce qui se passait chez leur voisin.

Des lumières de toutes les couleurs entouraient la maison et donnaient un air de fête remarquable.

Habituellement calme, il régnait à l’intérieur une effervescence peu commune. Aujourd’hui, la maison respirait l’allégresse, on le sentait à travers les murs.  C’est vrai qu’on était à quelques jours de Noël.

Les enfants sont surexcités, la maman affairée à préparer des recettes qu’on ne mangeait pas tous les jours. La cuisine débordait de mets alléchants.

Tout semblait différent.

Des galettes traînaient sur le comptoir.

De drôles de tartes à la viande reposaient sur une table.

Des espèces de gâteaux, avec un trou au milieu, dont ils ignoraient le nom, trônaient au centre de la table.

Des bonhommes en pain d’épices s’empilaient dans des boîtes colorées.

Et… les enfants qui changeaient encore une fois leur lettre au Père Noël.

Oui, tout semblait différent.

Blanche et Blanco soupiraient d’envie. Ils auraient tellement aimé être dans cette demeure d’où leur parvenait des odeurs de cannelle, de muscade, de gingembre et bien d’autres épices qu’ils ne connaissaient pas, mais qui leur chatouillaient les narines.

Ils convoitaient surtout les bonbons de toutes les couleurs que la grand-maman enfilait sur un fil.

S’échappait aussi de la musique qu’ils n’entendaient pas souvent et qui leur donnait l’envie de danser et de tourbillonner. La joie passait à travers les fenêtres.  Les rires fusaient de toute part.

Et tout semblait différent.

De plus, ils se demandaient pourquoi les parents avaient permis à un arbre, un gros sapin, de partager leur salon alors qu’eux, qui n’avaient pourtant rien fait de mal, devaient rester à l’extérieur. Ce n’était pas juste.

Vraiment, tout semblait différent.

Et tout à coup, la porte s’ouvrit et Nicolas, le plus jeune garçon de la famille sorti avec deux colliers de bonbons … et les mis au cou de nos deux amis.

Blanche et Blanco sont tellement émus. Des larmes de joie s’échappent de leurs yeux et se transforment en de magnifiques étoiles de glace.

 

Louise Binette


Noëlsky ou l’attente d’un ami

Dans son coin de forêt, Noëlsky avait une vue panoramique sur la plaine s’étendant au pied de la montagne. De ses yeux intelligents et vigilants, il surveillait les enfants qui s’amusaient à faire un bonhomme de neige, à bâtir un fort pour la guerre des tuques et à glisser sur la pente douce. Le temps était agréable et le ciel laissait tomber de doux flocons blancs pour endormir la terre. Tout reflétait l’harmonie et la paix de cette veille de Noël.

Noelsky, ce chien esquimau au pelage bien chaud, profitait de ce temps de solitude pour réfléchir. « Avec qui passerai-je Noël, cette année? », pensait le chien, car Noëlsky était seul. Son père, sa mère, ses deux frères et sa petite sœur étaient dans le Grand Nord. Il se sentait loin et bien isolé.

Tout à coup, il fut tiré de son silence par un bruit étrange. « Que se passe-t-il? Quel est ce cri? », se questionna Noëlsky. Il dressa ses oreilles bien droites. C’était Joël, un enfant du village, qui venait d’arriver. Il pleurait, non, il criait à fendre l’âme tout en racontant à ses amis comment son chien Bellot s’était fait frapper par une automobile, hier soir. Il n’avait pas dormi de la nuit, tant sa peine était grande. Noël serait là, demain, et Bellot ne serait pas avec lui. Ignorant ce qui se passait, mais curieux, Noëlsky quitta sa quiétude et, lentement, s’avança.

Il rampait sur la neige, mais personne ne le voyait encore. Il attendait, tout en continuant imperceptiblement son mouvement de reptation jusqu’à ce que Joël aperçoive deux yeux brillants qui le regardaient. Noëlsky s’arrêta. Il ne bougeait plus. C’est à peine s’il respirait. Il n’osait plus avancer craignant d’apeurer les enfants. Joël cessa de parler et fit un pas vers ce chien inconnu qui ne bougeait plus. Joël le flatta doucement et approcha sa main de son museau. Noëlsky se sentit en confiance et de sa langue lécha la main de l’enfant, puis essuya ses pleurs.

Joël s’était calmé et recommençait à être heureux. Bellot lui faisait-il un cadeau? Noëlsky, quant à lui, pensait avoir trouvé un ami. La magie de Noël venait d’opérer : Joël avait un chien et Noëlsky, un ami. Ils sont maintenant inséparables.

Nicole Poirier


L’accordéon de Noël

Dans une région lointaine, au nord de l’Amérique, l’hiver est roi.  Pour y vivre, la froidure coule dans les veines des hommes.  L’amour de la neige, des animaux polaires et aussi de la solitude comble le cœur des habitants nordiques.  Gaspard, ce vieil homme qui passa sa vie à défricher cette vaste contrée enneigée, était demeuré là-bas, pour la quiétude qu’offre l’hiver.

À chaque année, à tous les mois de décembre, Gaspard se fait un devoir de dénicher un charmant petit sapin pour célébrer Noël.  Par un beau matin ensoleillé et glacial, il quitta sa cabane en bois ronds qui ronflait et qui était gardée au chaud grâce à son poêle bien braisé.

Marchant, sac à outils à la main, en fredonnant à travers la forêt, il arriva à une éclaircie. Des petits craquements et reniflements lui chatouillèrent les oreilles.  Gaspard s’arrêta, écouta et observa les alentours.  Deux paires d’oreilles poilues bougèrent entre les branches des conifères.  Ne sachant qui se cachait tout près, mais étant certain qu’il était épié, ce bon vivant sortit doucement de son sac son accordéon.

Tout doucement, il se mit à jouer un air de Noël et fredonna: “ Noël blanc”.
Oh! quand j’entends chanter, Noël
J’aime à revoir mes joies d’enfants
Le sapin scintillant, la neige d’argent
Noël, mon beau rêve blanc

Les doux sons de son instrument et la voix du ténor Gaspard flottèrent tout autour jusqu’à l’orée de la forêt.  Ses harmonies enjôlèrent et rassurèrent les deux bêtes à sortir de leur cachette. Voilà que l’ours et le caribou s’avancèrent oreilles et museaux frétillants tout en reniflant le musicien de la forêt.  Une ambiance de douceur, des regards tendres se mêlèrent à cette douce mélodie de Noël. L’accordéon se tût, Gaspard caressa la tête de ses nouveaux compagnons.

L’ours: – Nous sommes seuls, nous aimerions passer Noël en ta compagnie.
Le caribou: – Ton accordéon nous a enchanté. La nostalgie de fêter l’hiver nous manque beaucoup.
Gaspard: – Vous êtes perdus. Où est votre famille?
L’ours: – Notre caverne est vide.  Il n’y a plus personne pour festoyer.
Gaspard: – Soit!  Nous allons célébrer ensemble ce Noël.  Mais il nous faut choisir notre sapin et le ramener à ma cabane.

Ravis d’avoir rencontré l’homme des bois, les bêtes scrutèrent de leurs grands yeux et respirèrent de leur fin museau l’odeur des sapins.  Quelques minutes suffirent pour trouver le plus beau des petits sapins.  Gaspard sortit sa petite égoïne et scia la base de l’arbre.  Le caribou s’offrit à traîner le sapin.  Attaché à une corde et tiré par le cou du caribou, en avançant, l’arbre faisait des sillons dans la neige.  Gaspard remit sa scie et son accordéon dans son sac et dit:

– En avant, direction vers ma cabane!

Solennellement, ils marchèrent, Gaspard en tête suivi du caribou tirant le sapin et de l’ours qui s’amusait à sauter par-dessus les sillons.  Un semblant de fête était au menu.  La parade défila joyeusement devant cette population de conifères et de grands arbres dénudés, suivant un sentier menant à la cabane. La procession s’arrêta devant la maisonnette de Gaspard.  Sans tarder, il libéra le caribou de sa mission. Il planta le sapin dans la neige près de sa demeure.  De sa remise, il sortit des fils de petites lumières qu’il installa sur le petit sapin.  Pour illuminer ces petites perles multicolores, il fixa les fils électriques sur une grosse batterie.  Euréka! les lumières s’allumèrent. Le caribou et l’ours étaient hypnotisés par ces bulbes lumineuses.  Ce fut un moment d’extase!

Le temps s’assombrit, la nuit approcha.  C’est la veille de Noël.  Gaspard ne sera pas seul cette année.  Il prépara un coin d’accueil dans sa remise pour ses invités.  Quelques ballots de foin leur sont offerts.  Lui-même se prépara un festin composé de dinde, de pommes de terre, de carottes et de pommes à partager avec ses invités. Et un bon petit verre de sa boisson traditionnelle, du vin rouge et du whisky blanc pour réchauffer et stimuler la soirée.

Tous sont réunis dans la remise, les portes sont ouvertes pour jouir de la beauté lumineuse du magnifique petit sapin qui éclaire ce décor enneigé et froid. Ils festoyèrent, assis, tous près l’un de l’autre. Entre l’ours, le caribou et Gaspard, l’atmosphère est heureuse et chaleureuse. Pour faire honneur à ce Noël comblé et réuni, Gaspard se mit à jouer de son accordéon dont chaque soufflet vibra, résonna des airs de Noël.  Il entonna ces airs de réjouissances.  Durant la nuit étoilée, Gaspard, le cœur nostalgique, a chanté quelques ritournelles rappelant les traditions de ses ancêtres.  Les spectateurs, ses amis l’ours et le caribou, regardant et écoutant le musicien à l’accordéon, furent consolés de partager ce moment bien au chaud.  Gaspard eut le plus beau cadeau, celui de pouvoir jouer de son accordéon pour Noël et de célébrer Noël avec ses invités.

Sylvie Laurendeau


Le plaisir du partage !

Tigresse était une chatte super mignonne ! Dieu l’avait dotée de la plus magnifique toison «gris riche tourmenté» que toute la race du quartier s’était partagée depuis des lustres.

Ce qui intéressait Tigresse par-dessus tout était la chasse. Durant le jour, elle était sollicitée par tout ce qui bougeait entre elle et sa ligne d’horizon. Sa passion : la folle poursuite des mouches, des papillons, des rongeurs et, ultime jouissance, des oiseaux. Elle se ravissait du plaisir charnel de courir, de sauter, de s’étirer, de virevolter pour imprégner son corps souple de multiples impulsions de vie. Sa joie était mouvement !

Inconsciente cependant de la fascination que sa fourrure exerçait sur les êtres humains, la chatte tigrée se rebiffait du fait que tout un chacun veuille la prendre, la flatter, la caresser… Elle étouffait, se sentant prisonnière et bloquée dans ses élans. Elle se braquait donc à toutes marques d’affection offertes par les curieux bipèdes de son voisinage.

La nuit, elle était hantée par le souvenir de mains intrusives et baladeuses s’agrippant à son corps. Elle se consolait comme elle le pouvait, cherchant des solutions à son besoin de liberté et de paix.

Une veille de Noël, elle rencontra une enfant de 3 ans, qu’une mère avait laissée en sa compagnie pour quelques longues minutes. Maya lui était apparue triste, dévastée, le noir dans l’âme… Elle ne parlait, ni ne pleurait, ni ne regardait, ni ne bougeait même… La chatte rebelle fut touchée par la profondeur de sa détresse et, pour la première fois de sa vie, offrit sa fourrure épaisse aux doigts esseulés et à l’espoir bafoué de Maya.

La jeunette, surprise d’abord, mais quelque peu envoutée par les poils à la fois soyeux, ombragés et lumineux de Tigresse, tenta un premier rapprochement. Plus tard, après moult essais, on a retrouvé Maya le visage enfoui dan le cou de la chatte et les doigts esseulés de tantôt abrités dans le pelage apaisant de notre féline.

La petite fille, malgré son silence, semblait sourire, car la lumière émanait déjà de ses yeux et une musique paisible berçait subtilement les corps de Tigresse et de Maya réunis… La chatte, à sa grande surprise, prit bonheur à cet échange. Un vide inconnu et douloureux au centre de son être commençait à s’apaiser.  Elle fut, à son tour, conquise…

Après sa rencontre avec l’enfant Maya, Tigresse ne fût plus jamais la même ! Elle comprit que l’activité pouvait procurer des moments exaltants pour le corps, mais que l’accueil de l’autre pouvait nourrir un abîme secret en elle qu’elle n’avait jamais assouvi dans ses cascades solitaires jusqu’à ce jour. En cette fête de Noël, elle découvrait le plaisir du partage.

Le 25 décembre au matin, un rêve curieux réveilla Tigresse. Un ange lui murmurait qu’un nouveau prénom lui était destiné !

Tigresse ayant un peu adoucit sa Sauvagerie et s’étant dotée de plus de Tolérance, son nom perdait un esse et gagnait un et devenait ainsi tout autre :

G R I S E T T E

Un sobriquet qui rendait hommage à sa nouvelle ouverture aux autres et à son adorable toison grisette… pour le plaisir de son nouvel entourage !

Sylvie Bélanger