Écrits variés
J’ai 100 ans!
Quand suis-je née? Lorsqu’un enfant a planté une graine, sur le plus beau vallon de la propriété de ses parents.
Les années ont passées, presque vingt ans pour que l’enfant devienne un jeune adulte et l’arbre également. Il a assez de branches colorées pour nous donner de l’ombrage lorsque nos étés sont un peu trop chauds. Assez majestueux pour rendre mon cœur heureux d’avoir déposé cette graine il y a longtemps. Lorsque je m’assoie près de toi, tant de souvenirs rattachés au plaisir de t’avoir vu grandir. Une cabane a vu le jour en contre-jour dans ton habitat. Une petite pataugeuse nous rafraîchissait, embrassée par tes branches qui pouvait nous caresser.
Tu as maintenant quarante ans, moi aussi, j’ai des enfants qui y ont rêvé, se sont amusés à tes côtés. J’ai demandé ma douce, en mariage, sous tes branches verdoyantes. Nous avons bercé nos bébés avec toi pour nous aimer, oui, nous aimer.
J’ai soixante ans, je suis grand-parent, les petits-enfants en ont dedans, tu es toujours là pour les abriter. Mes parents nous ont quittés, la maison nous est restée avec toi pour nous protéger .
J’ai 80 ans, ma douce m’a quitté, elle est à tes pieds, pour mieux m’aimer et je la sens près de moi. Les petits-enfants ont vingt ans et parlent avec joie et tendresse de leur grand-maman. Tes branches leurs donnent des caresses. Ils ressentent la tendresse.
J’ai 100 ans, je rejoins mes amours: mes parents, ma douce et un de mes enfants. Tous réunis, sous cette terre tant aimée, qui a su me plaire et me donner le goût de m’amuser, d’aimer, d’y vivre et d’y demeurer pour l’éternité.
Avoir 100 ans, c’est grandiose. Pour cette vie bien remplie, une pause, pour assurer notre pérennité. Aujourd’hui, dans l’instantané, on oublie, parfois, de s’attarder pour mieux s’aimer. Alors, à mon tour de m’attarder pour vous dire combien vous êtes aimés.
Rachel Angrignon
Monsieur Maladroit et madame Collet-Monté
Un sieur qu’on nommait Maladroit
Avait marié Collet-Monté,
Et, même s’il vivait à l’étroit,
Aimait recevoir en beauté.
Vêtue comme « cheval de pompier »,
Avant l’arrivée des convives,
À son homme, en tapant du pied,
Madame donnait ses directives.
Il faut savoir que chaque fois
Qu’ils recevaient à la maison,
Monsieur se retrouvait… «ma foi » !
La risée des gens au salon.
La snob épouse n’en pouvait plus
De prendre cent mille précautions
Et elle n’aurait jamais voulu
Être témoin de ces actions.
Mais les soirs où ils recevaient,
Son mari maladroit, mais rieur,
Réussissait en guilleret
À divertir ses visiteurs.
Or voilà qu’encore aujourd’hui,
Le même manège recommençait;
On recevait un groupe d’amis
Qui s’amuseraient à souhait.
La visite bientôt arrivée,
Le maladroit toujours pressé,
Dans le tapis s’est accroché :
On voit madame fort enragée.
Voilà comment une veillée,
Quand on est un collet-monté,
N’a rien pour vous émoustiller :
Faut surtout pas la raconter.
En se retrouvant au salon,
Monsieur jase avec ses amis
À son premier verre de boisson,
Tout aboutit sur le tapis.
Toute la soirée on a bien ri
De voir maladroit faire ses gaffes.
Collet-Montée toute ahurie,
C’était assez pour qu’on s’esclaffe.
Après que tout se soit calmé,
Collet-Monté s’est ressaisie ;
Un doux baiser l’a désarmée
Et Maladroit s’en vit ravi.
Un peu plus tard dans le grand lit
Les beaux draps blancs tout en satin
Furent bien brassés toute la nuit
Et n’eurent repos qu’au clair matin.
Ronald Duclos
Douce paix!
Douceur, douceur,
Toute la douceur du monde
Comme une éclaircie
Dans l’universelle violence.
Rayonner doucement
Autour de soi, autour du monde.
Offrir chaleur humaine
Et douce présence.
Envelopper les cœurs durs,
Réchauffer les froidures,
Les fondre dans la douceur de l’amour
Pour que fleurissent enfin les bouquets de la paix!
Nicole Poirier
Madame Désirée rêve d’une chouette maison
Se tenant sur le seuil d’un marchand immobilier
Fébrile, madame Désirée, gênée et insécure, se décide à entrer
À petits pas, au tournant d’un corridor
Elle heurte monsieur Bavard, grand de sa stature
Bonjour, madame! Vous souhaitez faire l’achat d’une maison de rêve?
Monsieur Bavard, droit comme un mat et gesticulant
Invite madame Désirée à s’asseoir et à lui dévoiler ses besoins
Monsieur Bavard, déjà, lui étale tous les aspects d’une chouette maison
Assise sur le bout de sa chaise, voulant se faire entendre
Madame Désirée déroule sa liste des critères qui lui sont chers
Cette bonne dame Désirée, épuisée de parler dans le vide
Pendant que cet agent Bavard n’arrête pas de l’enterrer
Exaspérée, elle se met à pleurer discrètement
Comment se faire entendre devant ce grand énervé?
Dans sa tête, madame Désirée rêve de lui dire: ”Bavard, taisez-vous!”
Voulant plaire davantage à madame Désirée, désemparée
Monsieur Bavard, gorgé d’excuses, continue de s’emballer
Exposant tous les avantages de la demeure qu’il lui avait dénichée
Essayant de rassurer cette pauvre dame éplorée
Faisant les cent pas pour la consoler, l’amadouer
Tout en regardant monsieur Bavard, madame Désirée concède
Et le laisse bavarder à sa guise et en toute franchise
Madame Désirée se lève, serre la pince à monsieur Bavard
Elle s’en retourne, sans avoir rencontré une oreille attentive
La personne de confiance lui permettant l’acquisition de sa maison de rêve.
Sylvie Laurendeau